lundi, juillet 04, 2011

l'albatros

souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
qui suivent, indolents compagnons de voyage,
le navire glissant sur les gouffres amers.

à peine les ont-ils déposés sur les planches,
que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
comme des avirons traîner à côté d’eux.

ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid!
l’un agace son bec avec un brûle-gueule,
l’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait!

le Poète est semblable au prince des nuées
qui hante la tempête et se rit de l’archer;
exilé sur le sol au milieu des huées,
ses ailes de géant l’empêchent de marcher.


- charles baudelaire (1821 - 1867)

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